Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/256

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pénétrée de soleil, air palpable de vapeurs moites et amollissantes ; mes yeux se reposent et jouissent dans ce vague et cet adoucissement des tons, et je me sens l’âme comme rafraîchie quand, après la nue égouttée, les files de peupliers humides se remettent à luire et à briller sous le soleil qui les sèche.

Le soir, à la rentrée, tout Douai en toilette est sur la place, parure de dimanche, robes blanches fraîches, chapeaux élégants ; impossible de remuer ou de trouver une chaise ; la foule aux Tuileries ou aux Champs-Élysées n’est pas plus nombreuse. C’est que c’est dimanche et qu’il y a musique. Mettre une robe neuve et aller écouter les cuivres du régiment, voilà la poésie dans cette vie de ménage, de propreté et de quiétude inerte. — Même vie chez M. V…, près de Mons ; on change deux ou trois fois par jour le linge des trois enfants ; incessamment des ouvrières et blanchisseuses, on remplit ses armoires, et la lessive est en permanence. Le mari gouverne sa cave et la soigne comme une bibliothèque.