Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/263

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instant, monte et descend à perte de vue, sans couche nourrissante qui le recouvre et le rende propre à la vie. Les creux et les hauteurs désolées, désertes, se suivent incessamment, sous le voile lugubre de brume fondante. Quand l’eau apparaît, elle est nuisible — la roche intérieure, de sa dalle continue, lui bouche l’issue ; elle s’étale stagnante, en marécages rayés de minces filets verts, en misérables prairies jaunâtres et pourries collées au sol comme une peau malade, en fondrières bosselées où alternent la vase et la sécheresse. — Quelques files d’arbres souffreteux suivent le lit où gargouille l’eau inutile. Ailleurs un dos morne de collines est hérissé de pierres moussues, rongées par les intempéries. — Un bois de sapins chuchote, espaçant ses troncs grêles et ses têtes sans ombre. C’est l’Écosse du Nord sans montagnes ; comme en Écosse, quelques vaches en liberté tachent de blanc et de roux la noirceur monotone et les paquets grenus des ajoncs ; une femme tricote pieds nus ; au bon terrain, parmi les bandes de sarrasin blanc, un paysan en culottes et cha-