Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/297

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opéras ; il y a beaucoup d’amateurs qui sentent la musique, jouent ou goûtent un opéra au piano. — Je viens de voir également Carcassonne et Cette : la splendeur du soleil, la beauté des montagnes voisines, la mer, les horizons veloutés, la vivacité des habitants, leurs façons de flâneurs et d’improvisateurs, leur parler sonore et musical, quantité de traits indiquent une race demi-italienne, mais de fabrique plus légère. Ce qui leur barre encore le chemin, c’est leur réunion à la France du Nord ; cette réunion leur a coupé la tête au XIIIe siècle et l’empêche de repousser. — Leur aristocratie vit inerte et arriérée à la campagne, l’argent manque, elle se fait avare ; personne n’achète les tableaux, ne patronne les fêtes de musique. — S’ils avaient pu développer leur constitution du Moyen âge, vivre divisés en petites souverainetés indépendantes, être aiguillonnés par le patriotisme municipal, achever leur langue, se faire une littérature et des mœurs appropriées, nous aurions une nation, une pensée, un art de plus. — Ils l’avaient en 1200. — Voilà une des vies sacrifiées à la centralisation et à la France.