Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/360

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de frange sombre et vivante. Çà et là seulement, une petite prairie large comme la main, d’un vert clair, étincelle. Rien que des arbres et toujours des arbres, on n’imaginait pas qu’il pût y en avoir autant ; c’est un peuple infini, pullulant, qui envahit tout, qu’on n’a point encore troublé dans son tranquille domaine. Ils s’échelonnent sur les croupes rondes, ils descendent sur les pentes, ils s’entassent dans les vallées, ils grimpent jusque sur les crêtes aiguës de la grande montagne du centre. Toute cette énorme population primitive avance, ondulant de montagne en montagne, comme une invasion barbare, sombre et infinie. Au-dessus, le ciel d’un bleu délicieux s’arrondit avec une joie et une sérénité étranges ; le soleil dore les plus hauts bataillons ; ceux des fonds nagent dans une brume lumineuse, et vers l’est s’ouvre doucement, dans une teinte claire et vague, la large plaine fertile, cultivée, agréable, que la rude armée végétale veut envahir.


FIN