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PROSPER MÉRIMÉE.

Cosaques, le Faux Démétrms, la Guerre sociale, la Conjuratio7i de Catilina, études solides, complètes, bien appuyées, bien exposées, mais dont les personnages ne vivent pas ; très-probablemeni, c’est qu’il n’a pas voulu les faire vivre. Car, dans un autre écrit, les Débuis d’un aventurier, reprenant son faux Démétrius, il a fait rentrer la sève dans la plante, en sorte qu’on peut la voir tour à tour sous les deux formes : terne et roide dans l’herbier historique, fraîche et verte dans l’œuvre d’art. Évidemment, quand il préparait dans cet herbier ses Espagnols du xiv’^ siècle ou les contemporains de Sylla, il les voyait par l’œil intérieur aussi nettement que son aventurier ; du moins cela ne lui était pas plus difficile ; mais il répugnait à nous les faire voir, n’admettant dans l’histoire que les détails prouvés, se refusant à nous donner ses divinations pour des faits authentiques, critique au détriment de son œuvre, rigoureux jusqu’à se retrancher la meilleure partie de lui-même et mettre son imagination sous l’interdit.

Dans ses œuvres d’art, le critique domine encore, mais presque toujours avec un oftice utile, pour restreindre et diriger son talent, comme une source qu’on enferme dans un tuyau pour qu’elle jaillisse plus mince et plus serrée. Il avait, de naissance, plusieurs de ces talents que nul travail n’acquiert et que son maître Stendhal ne possédait