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L’ÉGLISE


1800 religieux, qui pour la plupart travaillent surtout à la terre, ne s’imposent le travail que comme un exercice accessoire : c’est la prière, la méditation, l’adoration, qui est leur objet principal et premier ; eux aussi, ils emploient leur vie à la contemplation de l’autre monde, non au service de celui-ci. Mais tous les autres, plus de 28 000 hommes et plus de 123 000 femmes, sont des bienfaiteurs par institution et des corvéables volontaires, voués par leur propre choix à des besognes dangereuses, répugnantes, et tout au moins ingrates ; missions chez les sauvages et les barbares, soins aux malades, aux idiots, aux aliénés, aux infirmes, aux incurables, entretien des vieillards pauvres ou des enfants abandonnés, œuvres innombrables d’assistance et d’éducation, enseignement primaire, service des orphelinats, des asiles, des ouvroirs, des refuges et des prisons ; le tout gratuitement ou à des prix infimes, par la réduction au minimum des besoins physiques et de la dépense personnelle de chaque religieux ou religieuse[1]. Manifestement, chez ces hommes et chez ces femmes, l’équilibre ordinaire des motifs déterminants s’est renversé ; dans leur balance interne, ce n’est plus l’amour de soi qui l’emporte sur

  1. Émile Keller, les Congrégations, passim. — Dans plusieurs communautés d’hommes et de femmes, la dépense personnelle de chaque membre ne dépasse pas 300 francs par an ; chez les trappistes à Devielle, ce chiffre est un maximum. — Si l’on estime a 1000 francs par tête, ce qui est au-dessous du chiffre réel, la valeur du travail utile effectué par les 160 000 religieux et religieuses des instituts actifs, le total est de 160 millions par an ; si l’on évalue à 500 francs par tête la dépense de chaque religieux ou religieuse, le total est de 80 millions par an. Bénéfice net pour, le public, 80 millions par an.