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LE RÉGIME MODERNE


parfaite, et l’appelle l’universitaire de l’Université ; mais il n’en est pas, il se tient à côté et chez lui, il ne veut pas être engrené dans la manufacture impériale, y devenir un simple rouage. Partant, qu’il le sache ou qu’il l’ignore, il lui nuit, et d’autant plus qu’il prospère davantage ; la plénitude de sa maison fait le vide dans les lycées ; plus il a d’élèves, moins ils en ont. — Par essence, les entreprises privées font concurrence à l’entreprise publique.

C’est pourquoi, si celle-ci les tolère, c’est à contre-cœur et parce qu’elle ne peut pas faire autrement ; elles sont trop nombreuses, l’argent et les moyens manqueraient pour les remplacer toutes et d’un seul coup. D’ailleurs, en fait d’enseignement, comme de toute autre fourniture ou commodité, les consommateurs répugnent naturellement au monopole ; il faut les y plier par degrés, les conduire à la résignation par l’habitude. Ainsi l’État peut laisser vivre les entreprises privées, au moins à titre provisoire. Mais c’est à condition de les maintenir dans la plus étroite dépendance, de s’arroger sur elles le droit de vie et de mort, de les réduire à l’état de tributaires et de succursales, de les utiliser, de transformer leur rivalité native et nuisible en collaboration ; fructueuse et forcée. — Non seulement pour naître et, si elles sont nées, pour subsister, les écoles privées doivent obtenir de l’État permission expresse, faute de quoi elles sont fermées et leurs chefs punis[1],

  1. A. de Beauchamp, Recueil, etc. (Décrets du 17 mars 1808 article 103 et 105, du 17 septembre 1808, articles 2 et 3, du 15 no-