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LE RÉGIME MODERNE


des injonctions si précises et si multipliées. Cette vie scolaire est circonscrite et définie d’après un plan rigide, unique, le même pour tous les collèges et lycées de l’Empire, d’après un plan impératif et circonstancié qui prévoit et prescrit tout jusque dans le dernier détail, travail et repos de l’esprit et du corps, matières et méthodes de l’enseignement, livres de classe, morceaux à traduire ou à réciter, liste de 1500 volumes pour chaque bibliothèque, avec défense d’en introduire un de plus sans une permission du Grand Maître, heures, durée, emploi, tenue des classes, des études, des récréations, des promenades, c’est-à-dire, chez les maîtres et encore plus chez les élèves, l’étranglement prémédité de la curiosité native, de la recherche spontanée, de l’originalité inventive et personnelle[1], tellement qu’un jour, sous le second Empire, un ministre, tirant sa montre, pourra dire avec satisfaction : « À cette heure, dans telle classe, tous les écoliers de l’empire expliquent telle page de Virgile ». — À l’aspect de ce mécanisme qui remplace partout les initiatives d’en bas par la compression et l’impulsion d’en haut, des étrangers instruits, judicieux, impartiaux et même bienveillants sont frappés de surprise. « La loi veut que la jeunesse ne reste jamais pendant un seul instant abandonnée à elle-même ; les enfants sont sous les yeux des maîtres toute

  1. Hermann Niemeyer, Beobachtungen, etc., II, 350. « Un très digne homme, professeur dans un des collèges royaux, me disait : — « Quels pas en arrière avons-nous dû faire ! Comme cette contrainte nous a ôté tout le plaisir d’enseigner, tout amour de notre art ! »