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LE RÉGIME MODERNE


ministrateurs ou professeurs, par ordre ou par zèle, s’appliquent à faire vibrer toujours plus fort la corde sonore et sonnante. À partir de 1811, même dans une institution privée[1], « les victoires de l’empereur sont presque l’unique sujet sur lequel il soit permis d’exercer l’imagination des élèves ». Dès 1807[2], à Louis-le-Grand, les compositions couronnées sont des pièces sur la récente victoire d’Iéna. « Nos maîtres eux-mêmes, dit Alfred de Vigny, ne cessaient de nous lire des bulletins de la Grande Armée, et les cris de vive l’Empereur interrompaient Virgile et Platon. » — En somme, écrivent des témoins[3], Bonaparte voulait donner à la jeunesse française l’organisation des mameluks », et il y a presque réussi. Plus exactement, et pour employer ses propres paroles, « Sa Majesté[4] a voulu réaliser dans un État de quarante millions d’individus ce qu’avaient fait Sparte et Athènes ». — Mais, dira-t-il plus tard, il n’y a réussi qu’à demi. C’était là « une de ses plus belles conceptions[5] » ; M. de Fontanes et les autres universitaires l’ont mal comprise, ou n’ont pas voulu la comprendre. Lui-même, Napoléon, n’a pu donner à son œuvre scolaire que des bribes de son attention, ses haltes entre deux campagnes[6] ; en son absence, « on lui gâtait ses plus belles

  1. Quicherat, Sainte-Barbe, III, 126.
  2. Hermann Niemeyer, Beobachtungen, etc., II, 350.
  3. Fabry, Mémoires, etc., III, 109-112.
  4. Ambroise Rendu, Essai sur l’instruction publique (1819), I, 221 (Lettre de Napoléon à M. de Fontanes, 24 mars 1808).
  5. Mémorial, 17 juin 1816.
  6. Pelet de la Lozère, 154, 157, 159.