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L’ÉCOLE


certains dehors visibles, et, en 1811[1], Cuvier, qui vient d’inspecter les universités de la basse Allemagne, le décrit tel qu’il l’y a vu sur place, restreint à l’enseigne-

  1. Cuvier, Rapport sur l’instruction publique dans les nouveaux départements de la basse Allemagne, fait en exécution du décret du 13 novembre 1810, 4 à 8. « L’on a pour principe et pour objet que, dans chaque université, il puisse être fait des cours sur toutes les connaissances humaines, s’il se trouve des élèves qui le désirent… Aucun professeur ne peut empêcher son collègue de traiter les mêmes sujets que lui ; la plus grande partie de leur revenu dépend des rétributions des élèves, ce qui excite la plus vive émulation pour le travail. » — Ordinairement, l’université est dans une petite ville ; l’étudiant n’a d’autre société que ses camarades et ses professeurs ; de plus, l’université a juridiction sur lui, et elle exerce elle-même son droit de surveillance et de police. « Vivant en famille, sans plaisirs publics, sans distractions variées, les Allemands des classes moyennes, surtout dans l’Allemagne du Nord, regardent la lecture, l’étude, la méditation comme leurs plus grands plaisirs et leurs premiers besoins ; c’est pour apprendre qu’ils étudient, plutôt que pour se préparer à une profession lucrative… Le théologien scrutera, jusque dans leurs racines, les vérités de la morale et de la théologie naturelle ; quant à la religion positive, il voudra en connaître l’histoire, il étudiera la langue originale des écrits sacrés et toutes les langues qui s’y rapportent et peuvent l’éclaircir ; il voudra posséder les détails de l’histoire de l’Église, connaître les usages qu’on y a suivis de siècle en siècle et les motifs des variations qui s’y sont introduites. — Le jurisconsulte ne se contentera pas de posséder le code qui prévaut dans son pays ; dans ses études, tout devra se rapporter aux principes généraux du droit naturel et de la politique ; il voudra savoir l’histoire du droit à toutes les époques, et, par conséquent, il aura besoin de l’histoire politique des nations ; il faudra qu’il connaisse et apprenne les diverses constitutions de l’Europe, qu’il sache lire les diplômes et les chartes de tous les âges ; la législation compliquée de l’Allemagne lui fait et lui fera longtemps un besoin du droit canonique des deux religions, du droit féodal et du droit public, aussi bien que du droit civil et du droit criminel ; et, si on ne lui donne pas le moyen de vérifier dans les sources tout ce qu’on lui enseigne, il regardera l’enseignement comme étranglé et insuffisant. »