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L’ÉCOLE


praticiens. « Il faut, disait un célèbre professeur sous le second Empire[1], il faut à nos jeunes élèves un enseignement qui leur permette de passer de l’école au palais sans perplexités ni découragement », d’avoir sur le bout des doigts les 2281 articles du Code civil, et les autres, par centaines et milliers, des quatre autres codes, de trouver tout de suite à propos de chaque affaire le réseau des articles pertinents, la règle générale, ni trop large, ni trop étroite, qui recouvre juste le cas particulier dont il est question ; ils n’ont que faire du droit pris en lui-même et dans son ensemble, de la conception totale et distincte à laquelle aspire un esprit compréhensif et curieux. « Je ne connais pas le Code civil, disait un autre professeur plus ancien et plus voisin de l’institution primitive, je n’enseigne que le Code Napoléon. » Aussi bien avec sa perspicacité, avec son imagination positiviste et graphique, Napoléon pouvait apercevoir d’avance les produits futurs et certains de sa machine, des magistrats en toque, assis ou debout dans leur salle d’audience, en face, des avocats en robe et plaidant, plus loin, dans leurs études encombrées de dossiers, les grands consommateurs de papier timbré, avoués et notaires, en train de rédiger des actes, ailleurs des préfets, sous-préfets, conseillers de préfecture, commissaires du gouvernement et autres administrateurs, tous en fonctions et fonctionnant à peu près bien, organes utiles, mais simples organes de la loi. Les chances étaient petites, encore moindres que dans l’an-

  1. Léo de Savigny, ib., 161.