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LE RÉGIME MODERNE


faculté mystique, il est alimenté régulièrement, en pleine lumière, par l’apport continu des facultés normales. D’autre part, en face de la foi, à côté de cette divination bienfaisante qui, d’après les besoins de la conscience et du cœur, construit le monde réel, elle pose l’opération probante qui, analysant le présent et le passé, en dégage les lois du possible et les probabilités de l’avenir. Elle aussi elle a ses dogmes, les uns définitifs et les autres en train de se faire, par suite une conception totale des choses, assez vaste et assez nette malgré ses lacunes, pour embrasser à la fois la nature et l’humanité. Elle aussi elle rassemble ses fidèles en une grande Église, croyants et demi-croyants, qui, avec conséquence ou inconséquence, acceptent son autorité en tout ou en partie, écoutent ses prédicateurs, s’inclinent devant ses docteurs, attendent avec déférence les décisions de ses conciles. Disséminée, encore vague et lâche sous une hiérarchie flottante, la nouvelle Église est, depuis cent ans, en voie de consolidation croissante, d’ascendant progressif et d’élargissement indéfini ; incessamment ses conquêtes s’étendent ; tôt ou tard, parmi les puissances sociales, elle sera la première. Même à un chef d’armée, même à un chef d’État, même à Napoléon, il est utile d’être un de ses grands dignitaires ; dans une société moderne, le second titre ajoute au prestige du premier : « Traitement de Sa Majesté l’Empereur et roi comme membre de l’Institut, 1500 francs » ; ainsi commence, dans sa liste civile, l’énumération des recettes. Déjà en Égypte, avec intention et avec effet, il mettait en tête de