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L’ÉCOLE


discipline de caserne ou de couvent, et l’Université, par sa primauté et son ascendant, par son contact et sa contagion, l’a communiqué, d’abord à ses subordonnés, ensuite à ses rivales. — En 1887[1], dans les lycées et collèges de l’État, sur 90 000 élèves, il y avait plus de 39 000 internes, et dans les établissements ecclésiastiques c’était pis : sur les 50 000 élèves, on y comptait plus de 27 000 internes, auxquels il faut ajouter les 23 000, élèves des petits séminaires proprement dits, presque tous pensionnaires ; sur un total de 163 000 élèves, voilà 89 000 internes. Ainsi, pour recevoir l’instruction secondaire, plus de la moitié de la jeunesse française subit l’internat, ecclésiastique ou laïque. Cela est propre à la France, et cela tient à la façon dont Napoléon, en 1806, accapara et pervertit l’entreprise scolaire.

Avant 1789, en France, cette entreprise, quoique déjà bien entravée et gênée par l’intervention de l’État et de l’Église, n’était point faussée dans son principe, ni violentée dans son essence ; aujourd’hui encore, en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis, elle vit et se développe conformément à sa nature. On admet qu’elle est

    antagonisme ; par suite, ils voient de mauvais œil les élèves, l’éducation et les idées de l’institution rivale. En 1852, et dans quatre voyages circulaires de 1863 à 1866, j’ai pu constater sur place ces sentiments, très manifestes aujourd’hui.

  1. Exposition universelle de 1889, Rapport du Jury, groupe II, 1re partie, 492. — Documents recueillis aux bureaux de l’instruction publique pour 1887. (Aux internes énumérés ci-contre, il faudrait ajouter ceux des établissements privés laïques, 8958 internes sur 20 174 élèves.) — Bréal, Excursions pédagogiques, 293, 298.