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LE RÉGIME MODERNE


comme eux dans l’établissement et ils ont pour s’ébattre un vaste domaine, bois, champs et prairies. — De même en Angleterre, à Harrow, Eton et Rugby ; là chaque professeur est maître de pension ; 10, 20, 30 élèves habitent sous son toit, et mangent à sa table ou à une table présidée par une dame de la maison. Ainsi, de la famille à l’école, sans chute douloureuse ni contraste brusque, l’adolescent reste sous le régime qui convient à son âge, et qui est la vie domestique, continuée, mais élargie.

Tout au rebours et contrairement au véritable esprit de l’institution scolaire, le collège ou lycée français est, depuis quatre-vingts ans, une entreprise de l’État, le prolongement local d’une œuvre centrale, un des cent rameaux de la grosse tige universitaire, sans racines propres, et son personnel dirigeant ou enseignant se compose de fonctionnaires, pareils aux autres, c’est-à-dire mobiles[1], instables et préoccupés de l’avancement, ayant, pour principal motif de bien faire, l’espoir de monter en grade et d’être promus ailleurs, par suite et d’avance, presque détachés de l’établissement où ils

    deux cents, sous l’œil du censeur et du surveillant général et sous la menace des punitions, dans notre froid et monacal réfectoire. »

  1. Pelet de la Lozère, Opinions de Napoléon au Conseil d’État, 172 (Séance du 7 avril 1807) : « On fera circuler les professeurs dans l’Empire selon les besoins. » — décret du 1er  mai 1802, article 21 : « Les trois fonctionnaires chargés de l’administration et les professeurs des lycées pourront être appelés, d’après le zèle et le talent qu’ils apporteront dans leurs fonctions, des lycées les plus faibles dans les plus forts, et des places inférieures aux supérieures. »