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LA RÉVOLUTION


II

Quand on évalue une forêt, on commence par y répartir les plantes en deux classes : d’un côté la futaie, les chênes, hêtres, trembles, gros et moyens, de l’autre le taillis et les broussailles. Pareillement, quand on veut évaluer une société, il faut y répartir les individus en deux groupes : d’un côté les notables de toute espèce et de tout degré, de l’autre le commun des hommes. Si la forêt est ancienne et n’a pas été trop mal administrée, presque tout l’acquis de la végétation séculaire se trouve ramassé dans la futaie : les quelques milliers de beaux arbres, les trois ou quatre cent mille baliveaux, anciens et nouveaux, de la réserve, contiennent plus de bois utile ou précieux que les vingt ou trente millions d’arbrisseaux, buissons et bruyères. De même, si la société a vécu longtemps sous une justice et une police à peu près exactes, presque tout l’acquis de la civilisation séculaire se trouve concentré dans ses notables, et, à tout prendre, tel était l’état de la société française en 1789[1].

    sitions et qui furent assez durs, assez prévoyants, pour cacher leur blé, enfouir leur or, et repousser constamment l’assignat. » — Ib., 68, 70. Sur la route, il demande à qui appartient un très beau château, et on lui répond d’un air significatif : « C’est à un ci-devant pouilleux. » — À Vesoul, la maîtresse d’hôtel lui disait : « Ah ! monsieur, pour un que la Révolution enrichit, croyez qu’elle en appauvrit mille. »

  1. Les descriptions et appréciations qui suivent sont le fruit d’une enquête très étendue ; je cite à peine le dixième des faits et des textes qui m’ont servi ; je dois donc renvoyer le lecteur à