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LA STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ


une clameur où l’esprit ancien et l’esprit nouveau, les idées philosophiques grondent à l’unisson. « Je vois, disait le bailli de Mirabeau[1] que la noblesse s’avilit et se perd. Elle s’étend sur tous les enfants de sangsues, sur la truandaille de finance, introduits par la Pompadour, sortie elle-même de ces immondices. Une partie va s’avilir dans la servitude de cour ; l’autre se mélange à la canaille plumière qui change en encre le sang des sujets du roi ; l’autre périt étouffée par de viles robes, ignobles atomes de la poussière de cabinet qu’une charge tire de la crasse » ; et tout cela, parvenus d’ancienne ou de nouvelle race, fait une bande qui est la cour. — « La cour ! s’écrie d’Argenson, dans ce mot est tout le mal. La cour est devenue le sénat de la nation ; le moindre valet de Versailles est sénateur ; les femmes de chambre ont part au gouvernement, sinon pour ordonner, du moins pour empêcher les lois et les règles ; et, à force d’empêcher, il n’y a plus ni lois, ni ordres, ni ordonnateurs… Sous Henri IV, les courtisans demeuraient chacun dans leur maison, ils n’étaient point engagés dans des dépenses ruineuses pour être de la cour ; ainsi les grâces ne leur étaient pas dues comme aujourd’hui… La cour est le tombeau

  1. Lucas de Montigny, Mémoires de Mirabeau. Lettre du bailli du 26 mai 1781. — Marquis d’Argenson, Mémoires, IV, 156, 157. 160, 176 ; VI, 320. — Maréchal Marmont, Mémoires, I, 9. — Marquis de Ferrières, Mémoires, préface. — Voir sur cette difficulté de parvenir, les Mémoires de Dumouriez. Le père de Chateaubriand est aussi un de ces mécontents, « frondeur politique et grand ennemi de la cour ». (I, 206.) — Cahiers des États généraux de 1789, résumé général par Prudhomme, t. II, passim.


  anc. rég. i.
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