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L’ANCIEN RÉGIME


députe auprès de lui pour qu’il se remarie et que sa mort ne livre pas le pays à la guerre des prétendants ou aux convoitises des voisins. — Ainsi renaît, après mille ans, le plus puissant et le plus vivace des sentiments qui soutiennent la société humaine. Celui-ci est d’autant plus précieux qu’il peut s’élargir : pour que la petite patrie féodale devienne la grande patrie nationale, il suffit maintenant que toutes les seigneuries se réunissent entre les mains d’un seul seigneur, et que le roi, chef des nobles, pose sur l’œuvre des nobles la troisième assise de la France.

III

Il a édifié toute cette assise, pierre à pierre. Hugues Capet pose la première ; avant lui, la royauté ne donnait pas au roi une province, pas même Laon ; c’est lui qui ajoute au titre son domaine. Pendant huit cents ans, par mariage, conquête, adresse, héritage, ce travail d’acquisition se poursuit ; même sous Louis XV, la France s’accroît de la Lorraine et de la Corse. Parti du néant, le roi a fait un État compact qui renferme vingt-six millions d’habitants, et qui est alors le plus puissant de l’Europe. — Dans tout l’intervalle, il a été le chef de la défense publique, le libérateur du pays contre les étrangers, contre le pape au quatorzième siècle, contre les Anglais au quinzième, contre les Espagnols au sei-

    petite patrie locale apparaît à chaque réunion de province, Normandie, Bretagne, Franche-Comté, etc.