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LE RÉGIME MODERNE


me bouche les sources où mon âme allait boire la grâce, le pardon, la pureté, la santé et le salut. Si je n’ai pu faire baptiser mes enfants, ils ne sont pas chrétiens ; si je ne puis procurer l’extrême-onction à ma mère mourante, elle part sans viatique pour le grand voyage ; si je ne suis marié que devant le maire, ma femme et moi nous vivons en concubinage ; si je n’ai pu confesser mes péchés, je n’en suis pas absous, et ma conscience chargée cherche en vain la main secourable qui la soulagera de son fardeau trop lourd ; si je ne puis faire mes pâques, ma vie spirituelle avorte ; il lui manque l’acte suprême et sublime par lequel elle doit s’achever, la participation mystique qui aurait uni mon corps et mon âme au corps, à l’âme et à la divinité de Jésus-Christ. — Or aucun de ces sacrements n’est valable s’il n’a pas été conféré par un prêtre, lui-même marqué d’un caractère supérieur, unique, indélébile par un dernier sacrement, qui est l’ordre et ne peut être conféré que sous certaines conditions ; entre autres conditions, il faut que ce prêtre ait été ordonné par un évêque ; entre autres conditions, il faut que cet évêque[1] ait été institué par le pape. Par conséquent, sans le pape, point d’évêques ; sans évêques, point de prêtres ; sans prêtres, point de sacrements ; sans sacrements, point de salut. Ainsi l’institution ecclésiastique est indispensable au fidèle ; il lui faut le sacerdoce canonique et la hiérarchie canonique pour l’exercice de sa foi. — Il lui

  1. Exception pour les prêtres ordonnés par un évêque du rite grec.