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LE RÉGIME MODERNE


« 35 000[1] appartiennent à la classe laborieuse des ouvriers et des paysans », non pas des gros paysans, mais des petits, aux familles malaisées qui vivent du travail manuel, et où souvent les enfants sont nombreux. Sous la pression de l’air ambiant et du régime moderne, les autres gardent leurs fils pour elles, pour le monde, et les refusent à l’Église ; même au bas de l’échelle, l’ambition s’est développée et a changé d’objet ; on n’y aspire plus à faire de son fils un curé, mais un instituteur, un employé du chemin de fer ou du commerce[2]. Il a fallu creuser plus avant, descendre dans la couche inférieure pour en extraire les clercs qui manquaient.

Sans doute, à cette profondeur, l’extraction est plus coûteuse ; la famille est trop pauvre pour payer l’éducation ecclésiastique de son enfant ; d’ailleurs l’État ne donne plus rien depuis 1830 pour le petit séminaire, ni depuis 1885[3] pour le grand. C’est aux fidèles à les

  1. L’abbé Élie Mène, dans le Correspondant du 10 janvier 1890, 18.
  2. Les frères Allignol, De l’État actuel du clergé en France (1839), 248. Encombrement de toutes les carrières ; « seul l’état ecclésiastique manque de sujets ; on ne demande que des jeunes gens de bonne volonté, et on n’en trouve pas ». C’est, disent les deux auteurs, parce que l’état de desservant est trop triste : huit ans de classes préparatoires, cinq ans de séminaire, 800 francs de traitement dont on peut être privé du jour au lendemain, casuel infime, servitude de toute la vie, nulle pension de retraite, etc. — Le Grand Péril de l’église de France, par l’abbé Bougaud (4e éd., 1879), 2 à 23. — Lettre circulaire (n° 53) de Mgr Thomas, archevêque de Rouen (1890), 618.
  3. Suppression graduelle de la subvention en 1877, en 1883 ; totale en 1885.