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L’ÉGLISE


défrayer par des dons et des legs ; à cet effet, l’évêque fait quêter en carême dans ses églises, et invite ses diocésains à fonder des bourses et demi-bourses : la dépense est grosse pour entretenir et instruire presque gratis un futur clerc depuis douze ans jusqu’à vingt-quatre ; rien que dans le petit séminaire, elle est de quarante à cinquante mille francs en sus de la recette[1] ; devant ce déficit annuel, l’évêque, entrepreneur responsable, est dans les transes, et parfois ses anxiétés vont jusqu’à l’angoisse. — En revanche, et par compensation, à cette profondeur l’extraction est plus sûre ; la longue opération qui en tire un enfant pour l’amener au sacerdoce se poursuit et s’achève avec moins d’insuccès. Dans ces bas-fonds, la lumière et le bruit du siècle ne pénètrent pas ; on n’y lit point le journal, même d’un sou ; les vocations peuvent s’y former, s’y consolider en cristaux intacts et rigides, tout d’une pièce ; elles y sont plus abritées qu’aux étages supérieurs, moins exposées aux infiltrations mondaines ; elles risquent moins d’être ébranlées ou contrariées par la curiosité, le raisonnement et le doute, par les idées modernes ; les alentours et le milieu domestique ne dérangent point, comme ailleurs, leur sourd travail interne. Quand l’enfant de

  1. L’abbé Bougaud, le Grand Péril, etc., 118 et suivantes. — Environ 200 ou 250 écoliers dans un petit séminaire ; presque aucun ne paye pension entière ; en moyenne et par tête, ils payent de 100 à 200 francs et en coûtent 400 d’entretien. Déficit annuel, de 30 000 à 40 000 francs. — Aux professeurs prêtres, 600 francs par an ; aux maîtres et professeurs non prêtres, 300 francs, ce qui ajoute à la dépense 12 000 francs pour l’instruction et porte le déficit total à 42 000 ou 52 000 francs.