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L’ÉGLISE


Nativité ou la Passion, le Jugement dernier ou l’Enfer ; il convertit l’histoire indéterminée et lointaine, le dogme abstrait et sec, en une représentation figurée et détaillée ; il y insiste, il évoque tour à tour les images fournies par les cinq sens, visuelles, auditives, tactiles, olfactives, et même gustatives ; il les groupe, et, le soir, il les avive, afin de les retrouver plus intenses au matin. Il obtient ainsi le spectacle complet, précis, presque physique auquel il aspire, il arrive à l’alibi, à la transposition mentale, à ce renversement des points de vue où l’ordre des certitudes se renverse, où ce sont les Choses réelles qui semblent de vains fantômes, où c’est le monde mystique qui semble la réalité solide. — Selon les personnes et les circonstances, le thème à méditer diffère, et la retraite se prolonge plus ou moins longtemps ; pour les laïques, elle n’est ordinairement que de trois jours ; pour les frères des Écoles chrétiennes, elle est chaque année de huit jours, et, quand à vingt-huit ans ils prononcent leurs vœux perpétuels, de trente jours ; pour les prêtres séculiers, elle dure un peu moins d’une semaine, et le thème sur lequel leur méditation se concentre est le caractère surnaturel du prêtre. Le prêtre confesseur et ministre de l’Eucharistie, le prêtre sauveur et réparateur, le prêtre pasteur, prédicateur, administrateur, voilà les sujets sur lesquels leur imagination, aidée et guidée, doit travailler pour composer le cordial qui, pendant toute l’année, les soutiendra. Il n’y en a pas de plus puissant ; celui que buvaient les puritains dans un camp-meeting américain ou dans