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L’ÉGLISE


d’une saveur excessive et d’une crudité si âpre qu’une bouche ordinaire en serait brûlée. — D’une part, avec les familiarités de langage et les audaces de déduction qui conviennent à la méthode, on exalte dans le prêtre le sentiment de sa dignité : « Qu’est-ce que le prêtre ? » — « C’est, entre Dieu qui est dans le ciel et l’homme qui le cherche sur la terre, un être, Dieu et homme, qui les rapproche en les résumant[1]… Je ne vous flatte pas par de pieuses hyperboles, en vous appelant des dieux ; — ceci n’est pas un mensonge de rhétorique… Vous êtes créateurs comme Marie dans sa coopération à l’incarnation… Vous êtes créateurs comme Dieu dans le temps… Vous êtes créateurs comme Dieu dans l’éternité. Notre création à nous, notre création quotidienne n’est rien moins que le Verbe fait chair lui-même… Dieu peut susciter d’autres univers, il ne peut faire qu’il y ait sous le soleil une action plus grande que votre sacrifice ; car, en ce moment, il remet entre vos mains tout ce qu’il a et tout ce qu’il est… Je ne suis pas un peu au-dessous des chérubins et des séraphins dans le gouvernement du monde, je suis bien au-dessus ; car ils ne sont que les serviteurs de Dieu, et nous sommes ses coadjuteurs… Les anges, qui voient la quantité de richesses passant chaque jour par nos mains, sont effrayés de notre prérogative… Je remplis trois fonctions sublimes par rapport au Dieu de nos autels : je

  1. Manrèze du prêtre, I, 27, 29, 30, 31, 35, 91, 92, 244, 246, 247, 268.