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LE RÉGIME MODERNE

En effet, c’est pour lui-même qu’il travaille, pour lui seul, et point du tout pour l’Église dont l’ascendant nuirait au sien ; bien mieux, en conversation intime, il déclare qu’il a voulu la supplanter : s’il a fait l’Université, c’est d’abord et surtout « pour enlever l’éducation aux prêtres[1]. Ils ne considèrent ce monde que comme une diligence pour conduire à l’autre » et Napoléon veut « qu’on remplisse la diligence de bons soldats pour ses armées », de bons fonctionnaires pour ses administrations, de bons et zélés sujets pour son service. — Et, là-dessus, dans le décret qui institue l’Université, après la phrase de parade, il écrit la phrase de vérité et de fond. « Toutes les écoles de l’Université prendront pour base de leur enseignement la fidélité à l’Empereur, à la monarchie impériale dépositaire du bonheur des peuples, à la dynastie napoléonienne conservatrice de l’unité de la France et de toutes les idées libérales proclamées par les Constitutions. » En d’autres termes, il s’agit de donner aux enfants, aux adolescents, et aux jeunes gens la foi civile, de les faire croire à la beauté, à la bonté, à l’excellence de l’ordre établi, de prédisposer leur cœur et leur esprit en faveur du système, de les adapter à ce système[2], à la concen-

  1. Fabry, ib., III, 175 (Paroles de Napoléon à un membre de son conseil). — Pelet de la Lozère, 161 : « Je ne veux pas que les prêtres se mêlent de l’éducation publique. » — 167 : « L’établissement d’un corps enseignant sera une garantie contre le rétablissement des moines ; ils seraient, sans cela, rétablis d’un jour à l’autre. »
  2. Fabry, Mémoires, etc., III, 120 (Tableau du régime des lycées par un élève qui a passé plusieurs années dans deux lycées). Prix