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L’ÉCOLE


s’agit de moi-même, de mes intérêts les plus prochains, les plus quotidiens, les plus sensibles et les plus chers ; en ma qualité de contribuable et de sujet, de citoyen et d’électeur, de propriétaire ou prolétaire, de consommateur ou producteur, de libre penseur ou catholique, de père, fils ou mari, la doctrine s’adresse à moi ; pour me toucher au vif, elle n’a plus qu’à se mettre à ma portée, à trouver des interprètes et des colporteurs. — C’est l’office des écrivains, grands ou petits, en particulier des lettrés qui ont de l’esprit, de l’imagination ou de l’éloquence, l’agrément du style, le talent de se faire lire ou de se faire comprendre. Grâce à leur entremise, la doctrine, élaborée dans le cabinet du spécialiste et du penseur, se propage par le roman, le théâtre, l’athénée, le pamphlet, le journal et la conversation, par le dictionnaire, le manuel et, à la fin, par l’enseignement lui-même. Elle entre ainsi dans toutes les maisons, elle frappe à la porte de chaque esprit, et, selon qu’elle s’insinue en lui plus ou moins avant, elle contribue plus ou moins efficacement à faire ou à défaire les sentiments et les idées qui l’adaptent à l’ordre social dans lequel il est compris.

En cela, elle agit comme les religions positives ; c’est qu’à sa manière et à plusieurs égards, elle en est une. D’abord, comme la religion, elle est une source vive, première, intarissable, un haut réservoir central de croyances actives et dirigeantes. Si son bassin public n’est pas rempli par l’afflux intermittent, par les inondations soudaines, par les infiltrations obscures de la