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LE RÉGIME MODERNE


tions civiles et politiques. Sur la famille et l’éducation, sur l’emploi de la richesse et de l’autorité, sur l’esprit d’obéissance ou de révolte, sur les habitudes d’initiative ou d’inertie, de jouissance ou d’abstinence, de charité ou d’égoïsme, sur tout le train courant des pratiques quotidiennes et des impulsions prépondérantes, dans toutes les branches de la vie privée ou publique, l’influence d’une Église est immense et constitue une force sociale distincte, permanente, de premier ordre. Tout calcul politique est faux si elle est omise ou traitée comme une quantité négligeable, et un chef d’État est tenu d’en comprendre la nature, s’il veut en évaluer la grandeur.

II

Ainsi fait Napoléon. Selon son habitude, afin de mieux voir dans autrui, il commence par regarder en lui-même : « Dire d’où je viens, ce que je suis, où je vais, est au-dessus de mes idées ; je suis la montre qui existe, mais ne se connaît pas. » Ces questions, auxquelles nous n’avons pas de réponse, « nous précipitent vers la religion ; nous courons au-devant d’elle, notre penchant naturel nous y porte ; mais arrive l’instruction qui nous arrête. L’instruction et l’histoire, voilà les grands ennemis de la religion défigurée par les imperfections des hommes… J’ai cru ; mais ma croyance s’est trouvée heurtée, incertaine, dès que j’ai su, dès que j’ai raisonné, et cela m’est arrivé