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LE RÉGIME MODERNE


sans voix délibérative jusqu’à vingt-cinq ans, mais, en attendant, employé actif et parfois rapporteur d’une affaire. Non moins précoces étaient les admissions « à la Cour des Comptes, à la Cour des Aides, dans les juridictions inférieures, dans les bureaux de toutes les administrations financières ». Là et ailleurs, si quelque grade en droit était exigé, le retard qui s’ensuivait n’était pas sensible ; les examens de la Faculté n’étaient que des simulacres ; moyennant argent, après une cérémonie plus ou moins grave, quand on avait besoin d’un diplôme, presque sans études, on l’obtenait[1]. — Aussi bien, ce n’était pas dans l’école, mais dans la profession, qu’on acquérait l’instruction professionnelle : à parler exactement, pendant six ou sept années, le jeune homme, au lieu d’être un étudiant, était un apprenti, c’est-à-dire un ouvrier novice sous un ou plusieurs ouvriers maîtres, dans leur atelier, à l’ouvrage avec eux, et il s’instruisait en faisant, ce qui est la meilleure façon de s’instruire. Aux prises avec les difficultés de l’ouvrage, il sentait tout de suite son insuffisance[2], il devenait modeste, il était attentif ; devant

  1. Souvenirs inédits, etc. À la Faculté de Droit de Paris, personne n’assistait aux cours, sauf des écrivains gagés qui écrivaient la dictée du professeur et en vendaient des copies. — Les thèses étaient presque toutes soutenues à l’aide « d’arguments communiqués d’avance… À Bourges, tout se bâclait dans l’espace de cinq ou six mois au plus. »
  2. Ib. Aujourd’hui, « le jeune homme, qui n’entre dans le monde qu’à vingt-deux, vingt-trois ou vingt-quatre ans, croit n’avoir plus rien à apprendre ; il y apporte le plus souvent une confiance absolue en lui-même, et un profond dédain pour tout ce qui ne partage pas les idées, les opinions qu’il s’est faites.