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LE RÉGIME MODERNE


ment secondaire. En effet, c’est depuis cette date qu’on voit la philosophie néo-kantienne, du plus haut de l’éther métaphysique, grêler sur la dernière classe des lycées et meurtrir à demeure des cerveaux de dix-sept ans ; c’est encore depuis cette date qu’on voit, dans la classe de mathématiques spéciales, la végétation épineuse des théorèmes compliqués pulluler et s’enchevêtrer avec un tel excès, qu’aujourd’hui le candidat à l’École Polytechnique doit posséder, pour y entrer, des théories que son père y apprenait une fois admis. — De là les « boîtes, fours », internats privés, cours préparatoires laïques ou ecclésiastiques et autres « gaveuses scolaires » ; de là l’effort mécanique et prolongé pour introduire dans chaque éponge intellectuelle tout le liquide scientifique qu’elle peut contenir, pour l’en imbiber jusqu’à saturation, pour la maintenir en cet état de plénitude extrême, ne fût-ce que pendant les deux heures de l’examen, sauf à la laisser ensuite se dégonfler incontinent, puis s’aplatir ; de là cet emploi erroné, cette dépense outrée, cette usure précoce de l’énergie mentale, et tout ce pernicieux régime qui opprime si longtemps la jeunesse, non pas au profit, mais au détriment de l’âge mûr.

Pour arriver jusqu’aux masses incultes, pour parler à l’intelligence et à l’imagination populaires, il faut des mots d’ordre absolus et simples ; en fait d’instruction primaire, le plus simple et le plus absolu est celui qui la promet et l’offre à tous les enfants, filles et garçons, non seulement universelle, mais encore complète et