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L’ÉGLISE


« une honnête mondanité ». — Un futur curé, un prêtre qui conduit des laïques et vit dans le siècle, ne doit pas être un moine, un homme de l’autre monde, mais un homme de ce monde-ci, capable de s’y adapter, d’y faire son office avec mesure et discrétion, d’agréer l’établissement légal dans lequel il est compris, de ne point damner trop haut ses voisins protestants, juifs ou libres penseurs, d’être un membre utile de la société temporelle et un fidèle sujet du pouvoir civil ; qu’il soit catholique et pieux, mais dans les justes bornes ; ce qui lui est interdit, c’est d’être ultramontain ou bigot. — À cet effet, les précautions sont prises. Aucun séminariste ne devient sous-diacre sans l’autorisation du gouvernement, et chaque année la liste des ordinands que l’évêque adresse à Paris lui revient écourtée, réduite au-dessous du strict nécessaire[1]. Dès le commencement et en termes exprès[2], Napoléon a réservé toutes les cures et tous les vicariats aux « ecclésiastiques pensionnés en vertu des lois de l’Assemblée constituante ». — Non seulement, par cette confusion de la pension et du traitement, il s’allège d’une charge pécuniaire, mais encore aux jeunes prêtres, il préfère les vieux ! et de beaucoup ; nombre d’entre eux ont été constitutionnels, tous sont imbus de gallicanisme, c’est lui qui les a tirés de l’exil ou sauvés de l’oppression, ils lui en savent gré ; ayant longuement et durement pâti, ils sont fatigués, ils doi-

  1. Cf. tome IX, 295, note (Lettres de Mgr Claude Simon, évêque de Grenoble, 18 avril 1809 et 6 octobre 1811).
  2. Articles organiques. 68.