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LE RÉGIME MODERNE


à l’office du matin ou du soir, la voix grave de l’officiant commente cet article, déjà très clair : par ordre, il prêche pour la conscription : c’est un péché que de s’y dérober, d’être réfractaire ; par ordre encore, il lit les bulletins de l’armée, le récit des dernières victoires ; toujours par ordre, il lit le dernier mandement de son évêque : c’est une pièce autorisée, corrigée par la police. Non seulement les évêques sont tenus de soumettre à la censure toutes leurs lettres pastorales et instructions publiques ; non seulement, en manière de précaution, on leur a défendu de rien imprimer, sauf par les presses de la préfecture ; mais encore, pour plus de sûreté, la direction des cultes les informe incessamment de ce qu’ils doivent dire. Avant tout, ils doivent louer l’empereur ; dans quels termes, avec quelles épithètes, sans indiscrétions ni maladresses, de façon à ne pas s’ingérer dans la politique, à ne pas avoir l’air d’un pantin manœuvré d’en haut, à ne point passer pour un simple porte-voix, cela n’est pas indiqué, et cela est difficile. « Il faut, disait Réal, préfet de police, à un nouvel évêque, il faut, dans vos mandements, louer l’empereur davantage. — Donnez-moi la mesure. — Je ne la sais pas. » — Puisque la mesure reste indéterminée, il convient de la faire large. — Sur les autres articles, point d’embarras. En chaque occasion, les bureaux de

    paroles de Napoléon) : « Les prêtres catholiques se conduisent très bien et sont d’un très grand secours : ils ont été cause que la conscription de cette année a été beaucoup mieux que celle des années précédentes… Aucun corps de l’État ne parle aussi bien du gouvernement. »