Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
L’ÉGLISE


admet dans le même logis trois autres Églises qu’il soumet au même régime : cela lui fait quatre commensales qu’il héberge, qu’il surveille, qu’il contient et qu’il utilise de son mieux, au profit temporel de la maison. Rien de plus odieux à l’Église catholique que cette polygamie affichée et pratiquée, cette subvention accordée indifféremment à tous les cultes, ce patronage commun, plus insultant que l’abandon, cette égalité de traitement[1] qui met sur le même pied la chaire de vérité et les chaires de mensonge, le ministère de salut et les ministères de perdition. Rien de plus efficace pour aliéner un clergé catholique, pour lui faire considérer le pouvoir civil comme un étranger, comme un usurpateur ou même comme un ennemi, pour détacher l’Église gallicane de son centre français, pour la refouler vers son centre romain, pour la donner au pape.

Désormais celui-ci est le centre unique, le seul chef survivant de l’Église, inséparable d’elle parce que naturellement il est sa tête et que naturellement elle

  1. Bercastel et Henrion, XIII, 105 (Circulaire du pape Pie VII, 25 février 1808). « On entend que tous les cultes soient libres et publiquement exercés ; mais nous avons rejeté cet article comme contraire aux canons et aux conciles, à la religion catholique. » — Ib. (Instruction de Pie VII aux évêques d’Italie sur le système français, 22 mai 1808). « Ce système d’indifférentisme, qui ne suppose aucune religion, est ce qu’il y a de plus injurieux et de plus opposé à la religion catholique, apostolique et romaine, laquelle, parce qu’elle est divine, est nécessairement seule et unique, et, par là même, ne peut faire alliance avec aucune autre. » — Cf. le Syllabus et l’encyclique Quanta cura du 8 décembre 1864.