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LA RÉVOLUTION


chie est à la fois grotesque et tragique, et, dans cette dislocation universelle, la capitale, comme le royaume, ressemble à une pétaudière, quand elle ne ressemble pas à une Babel.

Mais, sous ces autorités discordantes, le véritable souverain, qui est la foule, apparaît tout de suite. — Le 15 juillet, d’elle-même, elle a commencé la démolition de la Bastille, et l’on sanctionne cet acte populaire ; car il faut bien conserver les apparences, ordonner même après coup, et suivre lorsqu’on ne peut pas conduire[1]. Un peu après on a commandé de rétablir la perception aux barrières ; mais quarante particuliers armés viennent avertir leur district que, si l’on met des gardes à l’octroi, « ils repousseront la force par la force et feront même usage de leurs canons ». — Sur le faux bruit qu’il y a des armes cachées dans l’abbaye de Montmartre, l’abbesse, Mme de Montmorency, est accusée de trahison, et vingt mille personnes envahissent le monastère. — Tous les jours, le commandant de la garde nationale et le maire s’attendent à une émeute ; c’est à peine s’ils osent s’absenter une journée, aller à Versailles pour la fête du roi. Dès que la multitude peut stationner dans la rue, une explosion est proche : « les jours de pluie, dit Bailly, j’étais bien à mon aise ». — C’est sous cette pression continue qu’on administre, et les élus du peuple, les magistrats les plus aimés, les mieux famés,

    nale contre les brigands imaginaires qui fauchent les moissons à Montmorency, et fusillade dans le vide. — Conquête de l’Isle-Adam et de Chantilly.

  1. Bailly, II, 46, 95, 232, 287, 296.