l’y égorge, et sa tête est traînée dans les rues. — Non seulement le peuple exécute, mais il fait grâce, et toujours avec le même discernement. Le 11 août, à Versailles, comme on allait rouer un parricide, la foule crie grâce, se précipite sur le bourreau et délivre l’homme[1]. Véritablement elle agit en souverain, et en souverain d’Orient qui, arbitrairement, sauve ou tue ; une femme, ayant protesté contre ce scandaleux pardon, est saisie, manque d’être pendue ; car le nouveau roi traite en crime toute offense à sa majesté nouvelle. — Aussi bien, on la salue publiquement et humblement. À l’Hôtel de Ville, devant tous les électeurs et devant tout le public, le premier ministre, demandant la grâce de M. de Besenval, a dit en propres termes : « C’est devant le plus inconnu, le plus obscur des citoyens de Paris que je me prosterne, que je me mets à genoux ». Quelques jours auparavant, à Saint-Germain-en-laye et Poissy, les députés de l’Assemblée nationale se sont mis à genoux, non pas seulement en paroles, mais effectivement, longtemps, dans la rue, sur le pavé, tendant les mains, pleurant, pour sauver deux vies dont ils n’ont obtenu qu’une. — À ces signes éclatants, reconnaissez le monarque ; déjà les enfants, imitateurs empressés des actions qui ont la vogue, le singent en miniature, et, dans le mois qui suit le meurtre de Bertier et de
- ↑ Floquet, VII, 54. Même scène à Granville, en Normandie, 16 octobre. Une femme avait assassiné son mari, de complicité avec son amant, un soldat, et l’on allait pendre la femme, rouer l’homme, lorsque la populace crie : « La nation a le droit de faire grâce », renverse l’échafaud et sauve les deux assassins.