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LA RÉVOLUTION


mière, on peut les répéter en faveur de la seconde, et, du moment que l’une est légitime, l’autre est légitime aussi. Ce qui autorise la société civile ou religieuse, c’est la longue série des services que, depuis des siècles, elle rend à ses membres, c’est le zèle et le succès avec lesquels elle s’acquitte de son emploi, c’est la reconnaissance qu’ils ont pour elle, c’est l’importance qu’ils attribuent à son office, c’est le besoin qu’ils ont d’elle et l’attachement qu’ils ont pour elle, c’est la persuasion imprimée en eux que, sans elle, un bien auquel ils tiennent plus qu’à tous les autres leur ferait défaut. Dans la société civile, ce bien est la sûreté des personnes et des propriétés. Dans la société religieuse, ce bien est le salut éternel de l’âme. Sur tout le reste la ressemblance est complète, et les titres de l’Église valent les titres de l’État. C’est pourquoi, s’il est juste qu’il soit indépendant et souverain chez lui, il est juste qu’elle soit chez elle indépendante et souveraine ; si l’Église empiète quand elle prétend régler la constitution de l’État, l’État empiète quand il prétend régler la constitution de l’Église, et si, dans son domaine, il doit être respecté par elle, dans son domaine elle doit être respectée par lui. — Sans doute, entre les deux territoires, la ligne de démarcation n’est pas franche, et des contestations fréquentes s’élèvent entre les deux propriétaires. Pour les prévenir ou les terminer, tantôt ils peuvent se clore chacun chez soi par un mur de séparation, et, autant que possible, s’ignorer l’un l’autre ; c’est le cas en Amérique. Tantôt, par un contrat débattu, ils peuvent se