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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


refusent d’admettre leurs adversaires au bénéfice de la loi. — D’ailleurs des bruits alarmants se sont répandus. Un particulier venant de Nice dit « avoir ouï dire qu’il y a, de Turin à Nice, vingt mille hommes soudoyés par les émigrants, et qu’à Nice on fait une neuvaine à saint François de Paule pour prier Dieu d’éclairer les Français ». Certainement une contre-révolution se prépare. Des aristocrates ont dit, « avec un air de triomphe, que les gardes nationales et les municipalités sont un jeu et que tout cela ne tiendra pas ». Un des principaux membres du nouveau club, M. de Guiramand, vieil officier de soixante-dix-huit ans, parle publiquement contre l’Assemblée nationale, essaye d’enrôler des ouvriers dans son parti, « affecte de porter à son chapeau un bouton blanc défendu par des épingles dont les pointes sont saillantes » ; et l’on raconte qu’il a fait chez plusieurs marchandes de modes une grande commande de cocardes blanches. À la vérité, après perquisition, on n’en découvrira aucune dans aucune boutique, et tous les marchands de rubans, interrogés, répondront qu’ils n’ont aucune connaissance de la chose. Mais cela prouve seulement que le coupable est très dissimulé, d’autant plus dangereux, et qu’il est urgent de sauver la patrie. — Le 12 décembre, à quatre heures du soir, les deux clubs jacobins fraternisent, et passent en grand cortège devant le cercle, « où plusieurs membres, quelques officiers du régiment de Lyonnais, quelques particuliers jouaient paisiblement ou regardaient jouer ». La foule hue, ils se taisent ; elle repasse et