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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


roi, caché sous les bottes, vient dans l’hôtel pour s’entendre avec les aristocrates et comploter sa fuite. Attroupement : un commissaire vient avec la garde nationale ; la charrette est gardée à vue par quatre grenadiers. Cependant le commissaire visite tout l’hôtel, y voit des pupitres à musique et les apprêts d’un souper, revient, fait décharger la charrette, déclare au peuple qu’il n’a rien trouvé de suspect. Le peuple ne le croit pas, et réclame une seconde visite. Seconde visite faite par vingt-quatre délégués ; de plus on compte les bottes de paille, on en délie plusieurs, le tout en vain. Irritée de sa déception et ayant compté sur un spectacle, la foule exige que tous les invités, hommes et femmes, sortent à pied et ne remontent dans leurs voitures qu’au bout de la rue. « Les voitures vides défilent les premières », puis les invités en costume de soirée, les femmes en grande toilette, « tremblantes de peur, les yeux baissés, entre deux haies d’hommes, de femmes et d’enfants qui les regardent sous le nez et les accablent d’injures[1] ». — Suspect de conciliabules à domicile et recherché jusque dans son hôtel, le noble a-t-il au moins le droit de fréquenter une salle publique, de manger au restaurant, d’y prendre le frais sur le balcon ? — Le vicomte de Mirabeau, qui vient de dîner au Palais-Royal, se met à la fenêtre, pour respirer ; il est reconnu ; bientôt un rassemblement crie : à bas Mirabeau-Tonneau[2] ! « On lui lance de tous côtés des gra-

  1. Ferrières, II, 268 (19 avril 1791).
  2. Montlosier, II, 307, 309, 312.