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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


discernement et le sens pratique des conducteurs ; d’après eux on peut juger du troupeau ; il se compose de novices qui arrivent de province avec des principes et des préjugés de gazette. Si éloignés du centre, n’ayant jamais pu voir les affaires générales et l’ensemble, ils sont en retard de deux ans sur leurs pareils de la Constituante. « La plupart, dit Malouet[1], sans être prononcés contre la monarchie, l’étaient contre la cour, contre l’aristocratie, contre le clergé, ne rêvaient que conspirations, et ne croyaient pouvoir se défendre qu’en attaquant. Il y avait là encore des talents, mais sans expérience ; ils manquaient même de celle que nous avions acquise. Nos députés patriotes avaient, en grande partie, la conviction de leurs fautes ; ceux-ci ne l’avaient pas, ils étaient prêts à recommencer. » — D’ailleurs, chez eux le pli politique est pris ; car ils sont presque tous des parvenus du nouveau régime. On compte dans leurs rangs 264 administrateurs de département, 109 administrateurs de district, 125 juges de paix et accusateurs publics, 68 maires et officiers municipaux, outre une vingtaine d’officiers de la garde nationale, évêques et curés constitutionnels, en tout 556 de ces fonctionnaires élus qui, depuis vingt mois, admi-

    effronterie qui depuis n’a pas été surpassée. Les opinions du côté droit étaient mutilées, travesties au point que ceux d’entre nous qui les avaient émises ne les reconnaissaient plus le lendemain dans son journal. On lui en faisait des reproches, on l’accusait de perfidie, et le philosophe souriait. »

  1. Malouet, II, 115. — Dumouriez, III, chapitre v : « Ils furent nommés pour aller représenter la nation, pour défendre, disait-on, ses intérêts contre une cour perfide. »