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LES JACOBINS


mais encore ils les provoquent. Desmoulins, « en sa qualité de procureur général de la Lanterne, réclame, dans chacun des quatre-vingt-trois départements, la descente comminatoire d’une lanterne au moins », et Marat, dans son journal, au nom des principes, sonne incessamment le tocsin. « Lorsque le salut public est en danger, c’est au peuple à retirer le pouvoir des mains auxquelles il l’a confié… Renfermez l’Autrichienne et son beau-frère… Saisissez-vous de tous les ministres et de leurs commis, mettez-les aux fers, assurez-vous du chef de la municipalité et des lieutenants du maire ; gardez à vue le général, arrêtez l’état-major… L’héritier du trône n’a pas le droit de dîner lorsque vous manquez de pain. Rassemblez-vous en corps d’armée ; présentez-vous à l’Assemblée nationale, et demandez qu’à l’instant on vous assigne de quoi subsister sur les biens nationaux… Demandez que la contribution patriotique soit appliquée à faire un sort aux indigents du royaume. Si l’on vous refuse, joignez-vous à l’armée, partagez-vous les terres et les richesses des scélérats qui ont enfoui leur or, pour vous réduire par la faim à rentrer sous le joug… Voici le moment de faire tomber les têtes des ministres et de leurs subalternes, de La Fayette, de tous les scélérats de l’état-major, de tous les commandants antipatriotes des bataillons, de Bailly, de tous les municipaux contre-révolutionnaires, de tous les traîtres de l’Assemblée nationale. » — À la vérité, parmi les gens un peu éclairés, Marat passe encore pour un exagéré, pour un furieux. Pourtant, tel est le dernier