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LA RÉVOLUTION


tiers, des foyers d’émeute, « autant de vols que de quarts d’heure et point de voleurs punis ; nulle police ; des tribunaux surchargés ; des prisons qui ne suffisent plus à la quantité des délinquants ; presque tous les hôtels fermés ; la consommation annuelle diminuée de 250 millions dans le seul faubourg Saint-Germain ; vingt mille coquins, la marque sur le dos, passant le jour dans les tripots, les spectacles, au Palais-Royal, à l’Assemblée nationale, dans les cafés ; des milliers de mendiants infestant les rues, les carrefours, les places publiques ; partout l’image de la plus profonde et de la moins attristante misère, car elle se joint à l’insolence ; des nuées de déguenillés qui subsistent de la vente d’un papier-monnaie frappé à tous les timbres, émis par qui veut en émettre, déchiqueté en particules, vendu, donné, rendu en lambeaux, plus sales que les malheureux qui en commercent[1] » ; sur 700 000 habitants, 100 000 pauvres, dont 60 000 accourus des départements[2] ; parmi eux 31 000 indigents des ateliers nationaux qu’on a renvoyés chez eux au mois de

    vages qui, devant un public payant, renouvellent les mœurs d’Otaïti. (Souvenirs inédits du chancelier Pasquier.)

  1. Mercure de France, n° du 5 novembre 1791. — Buchez et Roux, XII, 338. Compte rendu de Pétion, maire, 9 décembre 1791 : « Toutes les parties de la police sont dans un état de relâchement absolu. Les rues sont sales et pleines de décombres ; les vols et les délits de toute espèce se multiplient d’une manière effrayante. » — Correspondance, (manuscrite) de M. de Staël avec sa cour, 22 janvier 1792 : « Comme la police est à peu près nulle, l’impunité, jointe à la misère, pousse vers le désordre. »
  2. Moniteur, XI, 517, séance du 29 février 1792. Discours de Lacépède et de Mulot.