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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


la douceur des mœurs et le rêve idyllique avaient détrempé la volonté militante. Partout les magistrats oubliaient que le maintien de la société et de la civilisation est un bien infiniment supérieur à la vie d’une poignée de malfaiteurs et, de fous, que l’objet primordial du gouvernement, comme de la gendarmerie, est la préservation de l’ordre par la force, qu’un gendarme n’est pas un philanthrope, que, s’il est assailli à son poste, il doit faire usage de son sabre et qu’il manque à sa consigne lorsqu’il rengaine de peur de faire mal aux agresseurs.

Cette fois encore, dans la cour du Carrousel, les magistrats présents trouvent « leur responsabilité insupportable » ; ils ne songent qu’à « éviter l’effusion du sang » ; c’est à regret et en avouant leur regret, d’une voix altérée », qu’ils lisent aux troupes la loi martiale[1]. Ils leur « défendent d’attaquer », ils les « autorisent seulement à repousser la force par la force » ; en d’autres termes, ils leur commandent de supporter le premier feu : « Vous ne tirerez qu’autant qu’on tirerait sur vous. » — Bien mieux, ils vont de peloton en peloton, « disant tout haut que ce serait folie de vouloir

    forcée, s’écrie : « Si l’on ne nous permet pas de repousser la force par la force, nous allons nous retirer. » Elle tire, il y a 4 tués, 2 blessés et la foule se disperse. (Archives nationales, F7, 2265. Procès-verbal de la municipalité de Rouen, 29 août ; adresse de la municipalité, 28 août ; lettre du lieutenant-colonel de la gendarmerie, 30 août, etc.)

  1. Procès-verbal de Leroux. — Chronique des cinquante jours, par Rœderer. — Détails particuliers sur la journée du 10 août, par un bourgeois de Paris, témoin oculaire (1822).