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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


et sans phrases. « Donnez-moi, disait-il à Barbaroux[1], 200 Napolitains armés de poignards et portant à leur bras gauche un manchon en guise de bouclier ; avec eux je parcourrai la France et je ferai la révolution. » Selon lui, il faut supprimer 260 000 hommes « par humanité » ; car, sans cela, point de salut pour les autres. « L’Assemblée nationale peut encore sauver la France : il lui suffira de décréter que tous les aristocrates porteront un ruban bleu et qu’on les pendra dès qu’on en trouvera trois ensemble. » — Un autre moyen « serait d’attendre dans les défilés des rues et des promenades les royalistes et les Feuillants pour les égorger. Si, sur cent hommes tués, il y a dix patriotes, qu’importe ? C’est quatre-vingt-dix hommes pour dix, et puis on ne peut pas se tromper : tombez sur ceux qui ont des voitures, des valets, des habits de soie, ou qui sortent des spectacles ; vous êtes sûrs que ce sont des aristocrates ». — Il est visible que la plèbe jacobine a trouvé l’état-major qui lui convient ; l’un et l’autre s’entendront sans difficulté ; pour que le massacre spontané devienne une opération administrative, les Nérons du ruisseau n’ont qu’à prendre le mot d’ordre auprès des Nérons de l’Hôtel de Ville.

  1. Barbaroux, Mémoires, 57, 59 Derniers mois de l’Assemblée législative.


  la révolution. iii.
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