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LES JACOBINS


chœur d’acclamations triomphales, l’écho intérieur de sa propre voix.

IV

Lorsqu’une doctrine séduit les hommes, c’est moins par le sophisme qu’elle leur présente que par les promesses qu’elle leur fait ; elle a plus de prise sur leur sensibilité que sur leur intelligence ; car, si le cœur est parfois la dupe de l’esprit, l’esprit bien plus souvent est la dupe du cœur. Un système ne nous agrée point parce que nous le jugeons vrai, mais nous le jugeons vrai parce qu’il nous agrée, et le fanatisme politique ou religieux, quel que soit le canal théologique ou philosophique dans lequel il coule, a toujours pour source principale un besoin avide, une passion secrète, une accumulation de désirs profonds et puissants auxquels la théorie ouvre un débouché. Dans le Jacobin, comme dans le puritain, il y a une source de cette espèce. — Ce qui la nourrit chez le puritain, ce sont les anxiétés de la conscience alarmée qui, se figurant la justice parfaite, devient rigoriste et multiplie les commandements qu’elle croit donnés par Dieu ; si on la contraint d’y manquer, elle se révolte, et, pour les imposer à autrui, elle est impérieuse jusqu’au despotisme ; Mais sa première œuvre, toute intérieure, est la répression de soi par soi-même, et, avant d’être politique, elle est morale. — Au contraire, chez le Jacobin, la première injonction n’est pas morale, mais politique ; ce ne sont pas ses devoirs, mais ses droits qu’il exagère, et sa doctrine, au lieu d’être un