Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 5, 1904.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
LA RÉVOLUTION


main, une police de surveillance qui devient vite une police de provocation. La salle basse des Jacobins, où chaque matin on catéchise les ouvriers, lui fournit des recrues, et ses deux seconds, les frères Lameth, n’ont qu’à y puiser pour trouver un personnel zélé, des agents de choix. « Tous les jours[1], dix hommes dévoués viennent prendre leur ordre ; chacun de ces dix le donne à son tour à dix hommes appartenant aux divers bataillons de Paris. De cette façon, tous les bataillons et toutes les sections reçoivent à la fois la même proposition d’émeute, la même dénonciation contre les autorités constituées, contre le maire de Paris, contre le président du département, contre le commandant général de la garde nationale », le tout en secret : c’est une œuvre de ténèbres ; ses chefs eux-mêmes la nomment « le Sabbat » et, avec les exaltés, ils enrôlent les bandits à leur service. « On, fait courir le bruit que, tel jour, il y aura un grand désordre, des assassinats, un pillage important, précédé d’une distribution manuelle par les chefs subalternes pour les gens sûrs, et, d’après ces annonces, les brigands se rassemblent de trente à quarante lieues à la ronde[2]. » — Un jour, pour lancer

  1. La Fayette, Mémoires (Sur MM. de Lameth et leurs amis). — Selon un mot du temps, « ce que pense Duport, Barnave le dit, et Lameth le fait ». — On nommait ce trio le Triumvirat. Mirabeau, homme de gouvernement et qui répugnait au désordre brutal, l’appelait le Triumgueusat.
  2. Moniteur, V, 212, 583, séances du 31 juillet et du 7 septembre 1790. Rapport et discours de Dupont de Nemours. — Le rôle des vagabonds et bandits commence à Paris dès le 27 avril 1789 (affaire Réveillon). — Rivarol écrivait déjà le 30 juillet 1789 : « Malheur à qui remue le fond d’une nation ! Il n’est point