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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


boutiquiers, chapeliers, teinturiers, serruriers, mécaniciens, doreurs et limonadiers. Telle section, au mépris de la loi, y ajoute en bloc les signataires de la pétition des Huit Mille et de la pétition des Vingt Mille : « par ces manigances, dit un observateur[1], tous les fusils qui sont à Paris, au nombre de plus de cent mille, vont passer aux mains de la faction ». Il n’y en a plus, même chez les armuriers, pour ses adversaires ; car par un arrêté de la Commune, « nul ne peut en acheter un, sans un certificat délivré par le comité de surveillance de sa section[2] ». — D’autre part, grâce à la faculté d’accorder ou refuser les cartes de civisme, chaque comité barre à son gré, de sa seule autorité, et à tous les habitants de sa circonscription, non seulement la vie publique, mais encore la vie privée. À qui n’obtient pas sa carte[3], impossible d’avoir un passeport pour voyager, s’il est commerçant ; impossible de garder sa place, s’il est employé public, commis d’administration, avoué ou notaire ; impossible de sortir de Paris ou de rentrer tard. Si l’on se promène, c’est au risque d’être arrêté et ramené entre deux fusiliers devant le comité de la section ; si l’on rentre chez soi, c’est avec la chance d’être visité comme receleur de prêtres ou de nobles. Un Parisien qui ouvre le matin

  1. Schmidt, I, 225. Rapport de Dutard, 14 mai.
  2. Buchez et Roux, XXV, 167. Arrêté du 27 mars. — XXVII, 157. Arrêté du 20 mai.
  3. Archives nationales, F7, 3294. Voir notamment les procès-verbaux du mois d’avril. — Buchez et Roux, XXV, 149, et XXVI, 342 (arrêtés de la Commune, 27 mars et 2 mai).