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LA RÉVOLUTION


les vagabonds de la ville et de la campagne, les habitués d’hôpital, les souillons de mauvais lieu, la populace dégradée et dangereuse[1], les déclassés, les pervertis, les dévergondés, les détraqués de toute espèce et, à Paris, d’où ils commandent au reste de la France, leur troupe, une minorité infime, se recrute justement dans ce rebut humain qui infeste les capitales, dans la canaille épileptique et scrofuleuse qui, héritière d’un sang vicié et avariée encore par sa propre inconduite, importe dans la civilisation les dégénérescences, l’imbécillité, les affolements de son tempérament délabré, de ses instincts rétrogrades et de son cerveau mal construit[2]. Ce qu’elle a fait des pouvoirs publics, trois ou quatre témoignages contemporains vont le dire ; on la voit face à face, en elle-même et dans ses chefs ; on contemple en plein visage les hommes d’action et d’initiative qui ont conduit son dernier coup de main et qui la représentent le mieux. — À la Convention, depuis le 2 juin, « la moitié des députés à peu près s’abstiennent de prendre part aux

  1. Siéyès (cité par Barante, Histoire de la Convention, III, 169) la décrit ainsi : « Ce faux peuple, le plus mortel ennemi qu’ait jamais eu le peuple français, obstruait sans cesse les avenues de la Convention… À l’entrée et à la sortie de la Convention, le spectateur interdit était tenté de croire à l’irruption soudaine de nouvelles hordes barbares, à l’irruption soudaine d’une nuée de harpies voraces et sanguinaires, accourues pour se saisir de la révolution comme d’une proie naturelle à leur espèce. »
  2. Gouverneur Morris, II, 241. Lettre du 23 octobre 1792 : « La populace, chose qui, grâce à Dieu, est inconnue en Amérique… » — À plusieurs reprises, il insiste sur ce trait essentiel de La révolution française. — Sur cette classe toujours vivante, lire le livre si exact, si complet, si bien documenté du docteur Lombroso, l’Uomo delinquente.