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LA RÉVOLUTION


aussi la mettre sur le dernier. À cela encore la réquisition suffit : nous l’appliquons à toutes les besognes ; chacun est tenu de continuer la sienne, le fabricant de fabriquer, le commerçant de commercer, même à son détriment, parce que, s’il y perd, le public y gagne, et qu’un bon citoyen doit préférer à son profit privé l’avantage public[1]. En effet, quel que soit son office, il est un employé de la communauté ; partant, celle-ci peut, non seulement lui prescrire, mais lui choisir sa tâche ; elle n’a pas besoin de le consulter, il n’a pas le droit de refuser. C’est pourquoi nous nommons ou nous maintenons les gens, même malgré eux, aux magistratures, aux commandements, aux emplois de tout genre ; ils ont beau s’excuser ou se dérober, ils resteront ou deviendront généraux, juges, maires, agents nationaux, conseillers municipaux, commissaires de bienfaisance ou d’administration[2], à leur corps défendant. Tant pis

  1. Décret du 11 brumaire an II, article 7.
  2. Gouvion-Saint-Cyr, Mémoires sur les campagnes, de 1702 à la paix de Campo-Formio, I, 91-109 : « L’avancement que tout le monde craignait à cette époque… » Ib., 229 : « Les hommes qui avaient quelques moyens s’éloignaient avec obstination de toute espèce d’avancement. » — Archives nationales, DS, I, 5. (Mission du représentant Albert dans l’Aube et la Marne, et notamment arrêté d’Albert, Châlons, 7 germinal an III, avec les nombreuses pétitions des juges et officiers municipaux qui sollicitent leur remplacement). — Lettre du peintre Gosse (publiée dans le Temps du 31 mai 1882), très curieuse pour montrer les misères de la vie privée pendant la Révolution : « Mon père fut nommé commissaire de bienfaisance et commissaire pour l’habillement des troupes ; au moment de la Terreur, il eût été bien imprudent de refuser un emploi. » — Archives nationales, F7, 3485 (Affaire de Toussaint Girard, notaire à Paris, « tombé sous le glaive de la loi, le 9 thermidor an II »). Ce Girard, très libéral