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LA RÉVOLUTION


déliait le chien du bateleur, il se remettrait sur ses pattes de derrière ; pour les rendre à leur allure spontanée, il faudrait les secouer rudement. Pareillement, il faudra secouer l’homme pour le rendre à son attitude normale. Mais, en ceci, nous n’avons point de scrupules[1] ; car nous ne le courbons pas, nous le redressons ; selon le mot de Rousseau, « nous le forçons à être libre » ; nous lui conférons le plus grand des bienfaits que puisse recevoir une créature humaine ; nous le ramenons à la nature, et nous l’amenons à la justice. C’est pourquoi, maintenant qu’il est averti, s’il s’obstine à résister, il devient criminel et digne de tous les châtiments[2] ; car il se déclare rebelle et parjure, ennemi de l’humanité et traître au pacte social.

IV

Commençons par nous figurer l’homme naturel ; certainement, aujourd’hui on a peine à le reconnaître : il

  1. Buchez et Roux, XXIX, 142 (Discours de Jeanbon-Saint-André à la Convention, 25 septembre 1793). « On dit que nous exerçons un pouvoir arbitraire, on nous accuse d’être despotes. Des despotes ! nous ! ah ! sans doute, si c’est le despotisme qui doit faire triompher la liberté, ce despotisme est la régénération politique. » (On applaudit). — Ib., XXXI. 276 (Rapport de Robespierre, 17 pluviôse an II). « On a dit que la terreur est le ressort du gouvernement despotique. Le vôtre ressemble-t-il donc au despotisme ? Oui, comme le glaive qui brille dans les mains des héros de la liberté ressemble à celui dont les satellites de la tyrannie sont armés… Le gouvernement de la Révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie. »
  2. Ib., XXXII, 253 (Décret du 20 avril 1794). « La Convention déclare qu’appuyée sur les vertus du peuple français, elle fera