Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
106
LA RÉVOLUTION


ne vont pas à sa messe, les vieilles femmes qui ne baisent pas sa patène, les parents qui ne veulent pas de lui pour baptiser leur nouveau-né. Tous ces gens-là et ceux qui les fréquentent, proches, alliés, amis, hôtes, visiteurs, quels qu’ils soient, hommes ou femmes, sont séditieux dans l’âme, et partant suspects. Nous leur ôtons leurs droits électoraux, nous les privons de leurs pensions, nous les chargeons de taxes spéciales, nous les internons chez eux, nous les emprisonnons par milliers, nous les guillotinons par centaines ; peu à peu le demeurant se découragera et renoncera à pratiquer un culte impraticable[1]. — Restent les tièdes, la foule moutonnière qui tient à ses rites ; elle les prendra où ils seront, et, comme ils sont les mêmes dans l’Église autorisée que dans l’Église réfractaire, au lieu d’aller chez le prêtre insoumis, elle ira chez le prêtre soumis. Mais elle ira sans zèle, sans confiance, souvent même avec défiance, en se demandant si ces rites, administrés par un excommunié, ne sont pas maintenant de mauvais aloi. Une telle Église n’est point solide, et nous n’aurons besoin que d’une poussée pour l’abattre. Nous discréditerons de tout notre effort les prêtres constitutionnels ; nous leur interdirons le costume ecclésiastique ; nous les obligerons par décret à bénir le mariage de leurs confrères apostats ; nous emploierons la terreur et la prison pour les contraindre

  1. Ludovic Sciout, Histoire de la Constitution civile du clergé, t. III et IV, passim. — Jules Sauzay, Histoire de la persécution révolutionnaire dans le Doubs, t. III, IV, V et VI, notamment les listes de déportés, guillotinés, internés et reclus, à la fin de ces volumes.