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LE PROGRAMME JACOBIN


dation du papier-monnaie, le propriétaire ou capitaliste oisif voit son revenu fondre entre ses mains : il ne touche plus que des valeurs nominales. Au premier janvier, son locataire lui verse en fait un demi-terme, au lieu d’un terme ; au premier mars, son fermier s’acquitte envers lui avec un sac de grain[1] ; l’effet est le même que si nous avions rédigé à nouveau tous les contrats et réduit de moitié, des trois quarts ou davantage l’intérêt de l’argent prêté, le loyer des maisons louées, le bail des terres tenues à ferme. — Pendant que le revenu du rentier s’évapore, son capital s’effondre, et nous y aidons de notre mieux. S’il a des créances sur d’anciens corps ou établissements civils ou religieux, quels qu’ils soient, pays d’états, congrégations, instituts, hôpitaux, nous lui retirons son gage spécial, nous convertissons son titre en une rente sur l’État, nous associons, bon gré mal gré, sa fortune privée à la fortune publique, nous l’entraînons dans la banqueroute universelle vers laquelle nous conduisons tous les créanciers de la République[2]. — Au reste, pour le ruiner, nous avons des moyens plus directs et plus prompts. S’il est émigré, et il y a des émigrés par centaines de mille, nous confisquons ses biens ; s’il est guillotiné ou déporté, et il y a des guillo-

  1. (Récit de M. Silvestre de Sacy, 23 mai 1873). Son père avait une ferme rapportant 4000 francs par an ; le fermier lui offrit 4000 francs en assignats ou un cochon ; M. de Sacy choisit le cochon.
  2. Buchez et Roux, XXXI, 441 (Rapport de Cambon sur l’institution du grand-livre de la dette publique, 15 août 1793).