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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


transformer l’anarchie spontanée en anarchie légale. De parti pris et par défiance de l’autorité, ils ont énervé le commandement, réduit le roi à l’état de mannequin décoratif, presque anéanti le pouvoir central : du haut en bas de la hiérarchie, le supérieur a perdu ses prises sur l’inférieur, le ministre sur les départements, le département sur les districts, le district sur les communes ; dans tous les services, le chef, élu sur place et par les subordonnés, est tombé dans leur dépendance. Dès lors, chacun des postes où siégeait l’autorité s’est trouvé isolé, démantelé, offert en proie, et, pour comble, la Déclaration des Droits, en proclamant « la juridiction des commettants sur les commis[1] », a invité les assaillants à l’assaut. — Là-dessus une faction s’est formée et a fini par devenir une bande : sous ses clameurs, sous ses menaces et sous ses piques, à Paris et en province, dans les élections et dans le parlement, les majorités se sont tues, les minorités ont voté, décrété et régné, l’Assemblée législative a été purgée, le roi détrôné, la Convention mutilée. De toutes les garnisons de la citadelle centrale, royalistes, constitutionnels, Girondins, aucune n’a su se défendre, refaire l’instrument exécutif, tirer l’épée, s’en servir dans la rue : à la première attaque, parfois à la première sommation, toutes ont rendu leurs armes, et maintenant la citadelle, avec les autres forteresses publiques, est occupée par les Jacobins.

Cette fois, les occupants sont d’espèce différente. Dans

  1. Mot de Marat (Marat, par Bougeart, I, 420).