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LE PROGRAMME JACOBIN


paux groupes historiques ou naturels par lesquels des hommes se séparaient de la masse et faisaient bande à part, provinces, clergé, noblesse, parlements, ordres religieux et corps de métiers. Nous achevons son œuvre, nous détruisons les églises, nous supprimons les compagnies littéraires ou scientifiques, les instituts d’enseignement ou de bienfaisance, et jusqu’aux compagnies financières[1]. Nous proscrivons « l’esprit de localité » départemental ou communal ; nous trouvons « odieux et contraire à tous les principes que, parmi les municipalités, les unes soient riches et les autres pauvres, que l’une ait des biens patrimoniaux immenses, et l’autre seulement des dettes[2] ». Nous attribuons ces biens à la nation et nous mettons ces dettes à la charge de la nation. Nous prenons le blé des communes et des départements riches pour nourrir les communes et les départements pauvres. Nous faisons aux frais de l’État les ponts, les routes et les canaux de chaque district ; « nous centralisons[3] d’une façon large et opulente le travail du peuple français ». Nous ne voulons plus

  1. Décret du 26-29 germinal an II. « Les compagnies financières sont et demeurent supprimées. Il est défendu à tous banquiers, négociants et autres personnes quelconques de former aucun établissement de ce genre, sous aucun prétexte et sous quelque dénomination que ce soit. »
  2. Mémoires de Carnot, I, 278 (Rapport de Carnot). « Ce n’est pas là vivre en famille… S’il y a des privilèges locaux, il y en aura bientôt d’individuels, et l’aristocratie des lieux entraînera l’aristocratie des habitants. »
  3. Moniteur, XIX, 683 (Rapport de Barère, 21 ventôse an II). — Ce rapport est à lire tout entier, si l’on veut bien comprendre l’esprit communiste et centralisateur des Jacobins.